Un coeur qui sait haïr - Jared S. Wilcott - (Terminé)

Je l’observais depuis fort longtemps. Depuis son arrivé, en fait. Je me suis rapidement attaché à ce petit visage radieux, toujours à l’affût de nouvelle découverte. Il ne savait pas encore marcher et il souhaitait monter les plus grands obstacles. Ce n’est qu’un enfant, mais il l’étincelle de la curiosité l’habite. Tout saisir, tout comprendre ; une vraie fouine. Je sens que ce petit est spécial. Cependant, je ne peux croire qu’il vit de cette manière avec des parents aussi complexe, aussi dangereux pour lui.

On n’a pas toute cette chance de vivre dans l’abondance et la richesse. La composition du monde faire en sorte qu’il y aura toujours une hiérarchie montée par le pouvoir de l’argent. Le plus riche en haut, le plus pauvres en bas ; ainsi va la vie humaine. Le petit vit dans un appartement vers le bas de l’échelle social. Ce n’était pas un palace, mais il a un toit au-dessus de la tête. Sa propre chambre était composé d’une grande bibliothèque remplit de livre de tous les genres. Tant pour les enfants que pour les adultes. Les grands classiques passant par les nouveaux Best-Sellers ; un véritable trésor littéraire. Sa mère veut qu’il s’instruise le plus possible. Pour avoir autant de bouquin, elle doit travailler dans une librairie. Ce n’était pas un emploi pour comblé toute la famille, mais c’est tout ce qu’elle a trouvé qui lui permettait de profiter de quelques moments avec son fils. Je la vois souvent faisant la lecture des plus grands contes de Andersen. Chacune a sa morale rappelant à son garçon les lois de la vie. Celui qu’il apprécie beaucoup est Le vilain petit canard:

Maman : « « Il était trop heureux, mais nullement orgueilleux. Il songeait combien il avait été honni et pourchassé, maintenant il entendait dire qu'il était le plus charmant des charmants oiseaux ! Et les lilas inclinaient leurs branches sur l'eau jusqu'à lui, et le soleil brillait et réchauffait, alors ses plumes se gonflèrent, son cou mince se dressa, et, ravi dans son coeur, il cria :
- Jamais je n'ai rêvé d'un tel bonheur quand j'étais le vilain petit canard.» Voilà ! Jared, chéri, ça fait plus de 20 fois que je te lis ce conte. Tu sais, Andersen en a fait plusieurs…»

Jared: « Je sais, Maman, mais tu lis si bien ce conte. J’aime beaucoup cette histoire… »

Maman: « Elle veut dire qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Qu’il ne faut pas que tu écoutes ceux qui te veulent du mal. Il faut te battre dans la vie. Jared, tu es un magnifique petit garçon…Tu comprends ça, trésor ? »

Jared: « Oui, Maman. Je le sais. »

Le vilain petit canard. C’est son histoire préférée ignorant qu’il en faisait aussi partie. Si Jared restait souvent à l’intérieur, c’est qu’il n’avait que très peu d’amis. La plupart des parents se méfiaient d’eux. Des jeunes ayant un enfant à charge ont souvent une très mauvaise réputation. Ne voulant pas que Jared ressente ce type de préjugé, elle préférait le garder auprès d’elle ; à l’affut de sales ragots.
Je ne peux enlever à cette femme l’attachement qu’elle a pour son petit. Elle s’est destinée à lui faisant tout pour subvenir à ces besoins. Tout comme son père, mais d’une manière très différente…

Les ragots peuvent être véridiques ;

Il pourrait trouver un emploi tel que sa jeune femme dans une librairie ou livreur pour un restaurant. Malheureusement, il s’est tourné vers le monde criminel. Il prétend à son fils qu’il cuisine dans un restaurant, mais il ne conçoit pas de repas. C’est de la drogue qu’il cuisine pour en revendre pour différents gangs de la ville. Chaque semaine, il reçoit plusieurs sacs de cocaïne qu’il coupe afin de préparer ses commandes. Un gros montant entre les mains, il doit en déverser un bon cachet à son fournisseur. Malgré tout, il trouve le moyen d’en gaspiller une quantité dans sa propre consommation et, aussi, celle de sa conjointe. Il n’y a pas que l’amour qui les unit ; cette poudre également. Ils sont entrés dans cet univers et ils ne peuvent plus en sortir. Heureusement, ils ont la décence de cacher cet aspect de leur vie à leur enfant.

Si seulement cette dépendance pourrait disparaître ; ils seraient encore plus heureux. Plus réunis. Le gamin ne voit que très peu son père. Il se déplace sans cesse n’arrivant que le soir, alors que son fils dort auprès de son petit canard noir en peluche. Le canard qu’il lui avait offert. Jared ne s’en sépare jamais, d’ailleurs. Le canard Andersen ; c’est le nom qu’il lui donne. Sa mère retient ses larmes souvent le voyant attendre par la fenêtre l’arrivé de son père. C’est inquiétant, c’est dur. Il a maintenant 5 ans et les moments qu’ils ont passés ensemble sont très rares, mais jamais ennuyante.

Des marches dans le parc, des journées dans le zoo, au musée ; tout pour satisfaire l’appétit de son garçon. Jared appréciait chaque moment. Le petit canard Andersen en est témoin de ces instants magiques au travers de ses yeux de plastique.

Des instants magiques finissent par disparaître…

La réalité frappe…

Jared se bouchait souvent les oreilles serrant Andersen ; ses parents se disputaient encore. C’est comme ça depuis quelques jours. Le petit se réfugie dans sa chambre tentant de lire quelques pages de ses livres, mais les voix fortes troublaient sa concentration. Maman savait aussitôt que son fils n’aimait pas ce genre de situation. Il réagit souvent ainsi quand quelque chose lui déplaît ; fuir ; comme le petit canard…

Elle a toujours de la difficulté de le voir ainsi ; seul dans sa chambre déchiffrant les mots d’un des contes d’Andersen. Elle se devait donc de lui lire au complet pour se faire pardonner.

Maman : « La petite fille aux allumettes… »

Jared: « Maman, Papa ne travaille pas au restaurant, hein ? Il fait des gâteaux dans la cuisine… C’est pour les gâteaux que vous vous disputiez, hein ?»

Croyant que tout le monde dormait, son jeune père avait décidé de trancher ses commandes dans la cuisine, lundi soir passé. Le sac ouvert, il coupait soigneusement pour ne rien perdre. Tout était compté et il espérait en garder un peu pour ses provisions personnels. Concentré dans sa besogne, de la musique de fond ;

Jared : « Papa… ? »

Papa: « Jared ! Qu’est-ce que tu fais debout, bon sang ? »

La colère gagna son père qui tentait de cacher la poudre blanche sur la table. Il venait d’être découvert par son fils. Les petits sachets pour chacun de ses clients étalés sur le comptoir, la montagne de cocaïne; tout à la vue des petits yeux de Jared et de Andersen. Papa était le coupable, mais il accusait son fils d’être trop curieux ;

Papa: « Tu dois être couché ! Tu ne dois pas dérange Papa, merde !! »

Jared : « Je…je voulais juste te voir…Papa… »

Sous la peur de voir son père aussi furieux, Jared ne pu empêcher ses petites larmes d’enfant d’apparaître serrant son canard. La réaction de son fils le secoua. Il fut bouleversé d’avoir été aussi désastreux. Bien sûr, sa copine est intervenu renvoyant Jared dans sa chambre. Depuis, la discutions entre les parents n’a jamais été aussi forte.

Papa fait des gâteaux en cachette et Maman n’a pas voulu que Jared le découvre.

Maman: « J’ai pas aimé que Papa te parle comme ça, trésor. Tu voulais juste le voir et il a été méchant avec toi. Il va venir s’excuser tantôt. Il t’aime fort, tu sais ? Pour les gâteaux, c’est un secret de Papa. Il ne faut pas le dire à personne. Tu comprends ? »

C’est ravissant de voir une jeune mère auprès de son enfant. Celui-ci ce sent en sécurité n’ayant peur de rien. Il se réchauffe contre elle se laissant bercer par sa tendre voix. La petite fille aux allumettes défilait entre les lèvres de la jeune Maman…

Par contre, quelque chose la dérangea durant sa lecture. La porte de leur appartement provoquait un bruit énorme. Elle fut contente que son copain aille ouvrir lui permettant de continuer cette belle lecture. C’est étrange. Elle ne semblait pas lire comme d’habitude. Son regard se tournait souvent vers la porte de la chambre. Elle entendait la conversation animé entre son conjoint et ce qui semble être un homme furieux.

Il y a un problème avec la drogue.

Un grave problème…

Elle se mit à poursuivre la lecture avec une voix plus basse par la peur serrant Jared contre elle.

Ils hurlaient au travers des murs…

Un coup de feu !!!

La lecture arrêta…d’un seul coup. Le livre tomba au sol. Elle ne perdit pas un moment. Jared fut transporté vers le garde-robe.

Jared : « Maman, je veux la fin de l’histoire… »

Maman: « Oui, mon chéri. On va jouer à la cachette, d’accord ? On va se cacher avec Andersen dans le garde-robe et Papa va devoir nous trouver, d’accord ? »

Qu’il approuve ou non, elle s’était déjà réfugiée dans le garde-robe fermant les deux portes. Elle retenait la bouche de son enfant sachant qu’il pouvait parler à tout moment. Jared entendait le cœur de sa mère battre à tout rompre. Il ne comprenait pas pourquoi elle était aussi nerveuse. Papa doit être bon à la cachette.

Malheureusement, Jared ne se doutait pas que des hommes avaient pénétré l’appartement dans le but de récolter l’argent de la drogue. Sa mère se doutait bien qu’un jour les choses allait se corser. Elle retenait son souffle entendant les pas se rapprocher de la porte de la chambre ;

Complice: « Je l’ai entendue, elle doit être ici, mec…Ohhh, ils ont un gamin, vieux ! »

Jared tout près d’elle, ses yeux se fermèrent priant pour que ces deux individus quittent la chambre et partent de l’appartement. Les silhouettes se mirent à dévaster la chambre en jetant tous les livres de la bibliothèque par terre, sortant les vêtements de Jared cherchant des cachettes propices pour de l’argent.

Jared entendait le saccage que faisaient les malfaiteurs. Il trouvait que Papa faisait bien du bruit. Il était trop petit pour se cacher dans un tiroir.

Puis, en ouvrant une porte :

Chef: « Ohhhh !!! Je vous ai trouvé ! »

Ce n’était pas Papa…, mais un homme avec un fusil à eau. Pour les yeux d’un enfant, un engin est un jouet. C’était bien un vrai pointant la jeune mère terrifiée. Ses mains tremblaient serrant Jared contre sa poitrine. Le petit se recroquevilla gardant Andersen dans ses bras.

Maman: « S’il-vous-plaît, ne nous faites pas de mal…Prenez tout ce que vous voulez, mais laissez-nous !!! »

Chef: « Debout ! Sors de ce garde-robe ! »

J’avais peur en regardant cette scène. Je voyais le petit ne comprenant pas ce que pouvait bien faire ces inconnus chez lui. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il avait peur. Andersen n’a jamais été aussi serré entre ses petites mains.

Dès qu’elle fut debout, un des deux hommes s’approcha d’eux. Même si elle reculait, l’homme semblait avoir le dessus. Elle comprit son intention, un hurlement jaillit de ses lèvres :

Maman: « Non !!! Ne prenez pas mon fils !!! Je vous interdis de me le prendre. Il n’a rien fait !!! »

L’arme dans sa direction, la jeune femme devait obéir sachant qu’une seule erreur peut tout faire basculer. L’homme prit Jared dans ses bras. Apeuré, le petit se mit à pleurer réclamant sa mère. Elle ne pu se contenir étant détacher de son enfant.

Son fils dans les bras, un flingue dans sa main ; la menace fut aussitôt enclenchée :

Chef: « Où est l’argent et la drogue ? »

Maman: « Je vous en prie ! Laissez mon fils en dehors de ça !! »

Chef: « Tu vas d’abord me dire où est le fric et la drogue ! »

Elle n’arrivait pas à parler. La tension bloquait sa gorge ne fixant que son fils qui pleurait dans les bras du cambrioleur. D’un seul coup, l’homme devient plus agressif. Son complice prit la jeune mère par le bras :

Chef: « Tu te demandes pourquoi ton papa ne vient pas te secourir, hein ? Viens, on va te montrer ce qui se passe si ta mère refuse de nous aider… »

Ils quittèrent la chambre pour se rendre dans le salon. Elle continuait de supplier les deux hommes de les laisser et partir, mais ils étaient trop préoccuper à montrer au jeune gamin l’état de son père.

Il est au sol. Il ne bouge pas, mais ses yeux sont ouverts. Il y a un trou dans son t-shirt préféré. Il est taché de rouge. Le même rouge que sur le sol et sur sa bouche. Papa ne bouge toujours pas. Maman hurla découvrant son conjoint assassiné .Jared pleura de plus belle tendant ses mains vers le cadavre de son père;

Jared : « Papa !!!! »

Chef: « Papa est mort !!! Alors, Maman doit dire au monsieur où se trouve l’argent de la drogue et la poudre qu’ils gardent. »

Son arme se tourna vers la tempe du jeune garçon.

Chef: « Maman n’a qu’à lui dire et c’est tout… »

Maman: « Arrêtez, pas ça !!! Je vais tout vous dire !!! »

Chef: « Le fric et la drogue !!! »

Torturée de voir son propre enfant utilisé comme cible, elle parla aussitôt :

Maman: « Dans la cuisine ! À l’intérieur de la boîte à thé !! »

Sans attendre, le complice laissa la jeune mère pour aller fouiller dans la cuisine. Malgré la situation, elle souri à son garçon tentant de le rassurer, mais le petit est terrorisé par la tête du fusil contre sa tempe. D’un seul coup, il venait de comprendre que ses parents n’avaient pas une vie normale ; qu’ils font partis du monde des méchants.

L’homme revient avec la boîte entre les mains ;

Complice: « Elle est très lourde… »

Maman: « Vous avez tout ! Rendez-moi mon fils !!! »

Chef : « Ouvre la boîte, vieux . »

En brisant la boite, un sac de cocaïne et des billets de banque tombèrent au sol. Le sourire des deux hommes jaillit sur leur visage. Il en avait assez pour passer du bon temps. Voyant le résultat, la jeune mère espérait en terminer avec eux. En regardant son enfant, elle leva les mains en sa direction :

Maman: « Vous êtes content, maintenant ? Libérez mon fils ! »

Chef: « Oui, bien sûr ! »

Doucement, le jeune cambrioleur déposa Jared au sol. Celui-ci couru vers sa mère en pleurant. Voyant son enfant s’approcher, elle fit un pas …

Bang !

Elle était si près, mais elle tomba avant qu’il l’ait rejoint. La balle toucha son front ne voyant rien venir. Ses yeux se sont concentrés sur son fils ne voyant pas la balle qui toucha son front. Sa tête frappa le sol laissant glisser son corps contre le parquet. Un sourire sur ses lèvres inertes…

Jared : « Maman !!!! »

Le petit cria dans l’appartement. Au près de sa mère, il l’a secouait tentant de la réveillé, mais en vain :

Jared : « Maman !!! Maman ! Ne me laisse pas tout seul ! Réveilles-toi ! »

Complice: « Tu es fou ou quoi ??? Qu’est-ce qui t’a prit de la tuer ? »

En ramassant le fric, le complice n’a entendu que le coup de feu pour apercevoir la mère tomber. Déjà deux coups de feu et des hurlements ; la police va intervenir d’une minute à l’autre.

Chef : « Tu voulais qu’elle nous dénonce ! Elle aurait eu assez de cran pour le faire… »

Jared: « Maman !.... »

N’entendant que lui, Jared arrêta et se retourna vers les deux tueurs. Il serrait son canard Andersen. Il continuait de pleurer restant contre sa mère;

Complice: « Qu’est-ce qu’on fait du gamin, maintenant ? »

Tous les deux fixèrent le petit au canard noir. Il se faisait petit serrant sa peluche. Il ferma les yeux :

Et il vola dans l'eau, où il nagea vers les superbes cygnes, qui l'aperçurent et accoururent à lui à grands coups d'ailes.

- Tuez-moi si vous voulez ! dit le pauvre animal.

Et il pencha la tête sur la surface de l'eau, attendant la mort...

Je n’ai pas pu intervenir à temps …

Il était étendu auprès de sa mère avec le petit Andersen dans ses bras. Le canard nageait dans une marre de sang. Je voyais les ambulanciers tenter de le ramener avec peine. Trois balles. Ils ont osé le frapper avec trois balles ! C’est immonde, c’est impensable de faire cela à un enfant.

Je ne pouvais laissé une injustice sous mes yeux. Je suis donc intervenu. Ce petit avait droit à une deuxième chance. Il voulait tant apprendre, tant découvrir et on a mit fin à son existence trop tôt...

Je me suis permis de poser ce geste...

Toutefois, ai-je bien fait ?

Un petit canard noir dans les mains…

Les policiers m’ont présenté le petit Jared Samuel Wilcott. On cherchait toujours les coupables de ce crime, mais on devait prendre soin du petit rescapé. Il a été sauvé de justesse par les ambulanciers. Nous l’avons accueilli au pensionnat à bras ouvert. Ce petit a vécue une terrible situation ; voir ses deux parents mourir sous ses yeux et avoir été victime d’une tentative de meurtre. Un enfant de 5 ans…
Il n’a pas parlé tout le long du transfert vers notre établissement. Son regard se concentrait uniquement sur son canard en peluche et quelques livres qu’il avait en sa possession. Nous lui avons permis de transporter des effets personnels qu’il avait dans son appartement. C’était ses seuls recommandations : son canard et les livres de Andersen.

Par la suite, plus un mot, plus un son. Jared n’à pas créer le moindre bruit durant tout le trajet. J’étais troublé par son regard. Il était vide n’apparaissant aucune émotion quelconque. Que de la tristesse. Je pouvais comprendre au début puisque nous venions le chercher quelques jours après son congé de l’hôpital. Il y avait des psychologues et des médecins ainsi que des médias qui tentaient de lui tirer quelques mots, mais rien…Jared resta silencieux faisant tourner les pages de son livre. Je n’ai vu aucun membre de sa famille proche venir le voir. J’ai compris que les parents de cette enfant avaient coupé les ponts avec leur entourage. Personne ne voudrait prendre soin d’un enfant dont on ignore son existence. C’est alors que mon intervention arriva.

Arrivé au pensionnat, Jared ne s’intégrait pas avec les autres. Il se contentait de trouver un endroit confortable et il lisait ses contes préférés. Je trouvais plutôt étonnant que cet enfant sache lire quelques mots. Sa mère devait sans doute lui donner quelques cours. Malheureusement, elle n’a pas eu le temps de les approfondir. Cela m’inquiétait par contre de le voir aussi distant des autres jeunes de son âge. Aucune communication, seulement des regards qu’ils jetaient. Ce regard qui m’a troublé n’avait pas changé. Il était si dur et froid que les enfants en avaient peur. Une bulle avait été créée autour de lui. Les petits ne dépassaient pas la limite par peur de le voir se retourner dans leur direction. Ils le surnommaient même ; le méchant.

Ce nom ne changeait pas avec le temps. Il empirait. Ils racontaient des histoires sur la raison de son arrivé dans le pensionnat ; qu’il aurait tué ses parents en les assommant avec ses livres et c’est pour cette raison qu’il ne veut pas les partager ou que son canard cache un couteau qu’il aurait servit pour trancher la gorge de sa mère…

Je voulais aider cet enfant solitaire. J’ai engagé plusieurs psychologues pour le faire parler. Les premières échouèrent prétendant qu’il serait schizophrène grave ne pouvant plus communiquer avec le monde réel. Je n’abandonnais pas observant souvent son comportement. Il murmurait des mots à son canard et lisait beaucoup ses livres. Ce sont les deux choses les plus précieuses ; sa peluche et ses livres. Lorsque je discutai avec une des psychologues de la région ; Mademoiselle Katryn Spencill, elle accepta de le rencontrer. Un an c’était écoulé depuis l’incident et il gardait toujours ce visage que j’ai vu lors de notre première rencontre ; sans vie et sombre.

Katryn : « Bonjour Jared, je m’appelle Katryn. J’aimerais parler avec toi, tu veux bien ? »

Jared: « …. »

Katryn: « Je vois que tu as une as un beau canard. Tu peux me dire comment il s’appelle ? »

Jared : « … »

Katryn : « Ohhhh, tu aimes beaucoup les contes de Andersen. C’est lequel ton préféré ? »

Jared : « … »

Katryn: « Moi, c’est celui du vilain petit canard…Tu connais sans doute ? »

J’ai vu au travers de la vitre son regard qui c’était transformé. Katryn avait touché un point sensible du petit :

Katryn : « Mais le pauvre caneton qui était sorti de l'oeuf le dernier, et qui était si laid, fut mordu, bousculé et nargué, à la fois par les canes et les poules.
- Il est trop grand, disaient-elles toutes. »

Jared : « Et le dindon, qui, étant né avec des éperons, se croyait empereur se gonfla comme un cargo à pleines voiles, se précipita sur lui, puis glouglouta, et sa tête devint toute rouge. Le pauvre caneton ne savait où se fourrer, il était désolé d'avoir si laide mine et d'être la risée de toute la cour des canards. »

Il avait parlé. J’entendais sa petite voix d’enfant au travers de ses lèvres sèches. Le vilain petit canard est son histoire préférée. C’est ainsi que Katryn a amorcé son entretient avec Jared. C’était la seule qui parvenait à lui parler. Andersen fut le sujet primordial des discussions. Ses poèmes, ses contes, ses histoires moralisatrices ; il connaît tout de cet homme. Par la suite, d’autres grands auteurs poursuivirent les rencontres hebdomadaires. Katryn jouait aussi le rôle de l’enseignante. Elle lui inculquait les matières accompagnées d’une professeure expérimenté dans les cas problème. En sa présence, le petit rayonnait en écoutant et apprenant tout ce qu’on lui enseignait. Les années passèrent et le petit devenait rapidement un génie.

En dehors de cette classe improvisée, il ne changeait pas. Jared restait le méchant. J’essayais de faire comprendre aux autres l’histoire qui avait rendue cette enfant distant avec les gens. Je les encourageais à prendre les devants et rencontrer ce petit bonhomme intelligent. Certains m’écoutèrent en allant se présenter après 4 ans d’hésitation. Malheureusement, les plus rebelles virent que malgré son âge, Jared portait encore Andersen avec lui. Il avait maintenant 10 ans et ce n’était plus de son âge d’emporter une peluche dans le moindre de ses déplacements. J’ai vu ces voyous s’emparer du canard obligeant Jared à se défendre pour tenter de le récupérer. Les larmes sur ses joues suppliant de rendre ce qui lui restait de sa famille m’obligèrent d’intervenir. Je ne voulais pas qu’il régresse n’ayant plus cette confiance qu’il portait pour Katryn et moi. Au moment où j’allais les rejoindre, j’ai constaté l’horreur.

Le petit Jared inoffensif, timide et réservé était en train de frapper avec violence celui qui avait mené le bal d’Andersen. Il était complètement écrasé sous Jared qui se déchainait sur son visage. Je ne pouvais pas croire que cet enfant était si violent et agressif. Ma voix ne calmait pas l’ardeur du petit. J’ai dû le saisir par la taille pour tenter de dégager l’autre enfant. Il était soudé. Il s’accrochait tirant les cheveux du jeune blessé hurlant de rage. En prenant ces mains, j’ai commis une grave erreur. Je reçu un coup au visage faisant saigner mon nez. Je tenais dans mes bras un enfant incontrôlable…

En isolant dans une pièce, il est redevenu le petit Jared innocent serrant son canard qu’il avait sauvé. Katryn tentait de comprendre sa réaction en lui posant des questions vagues. Plus les questions devenaient précises, plus le jeune Jared devenait nerveux :

Katryn: « Tu tiens beaucoup à ce canard, Jared ? »

Jared : « Oui, Papa me l’a donné quand j’étais bébé. Maman me racontait souvent le vilain petit canard… Mais le pauvre caneton qui était sorti de l'oeuf le dernier, et qui était si laid, fut mordu, bousculé et nargué, à la fois par les canes et les poules. »

Katryn : « Tu ne voulais pas le partager avec ton camarade ? »

Jared: « NON ! Il ne voulait pas partager… Il voulait le détruire ! Il voulait détruire Andersen… »

Katryn : « Pourquoi il voulait le détruire, Jared ? »

Jared: « Parce qu’il n’aime pas Andersen ? On n’aime pas les vilains petits canards. Les vilains petits canards ne sont pas aimés ! Et les canards le mordaient, les poules lui donnaient des coups de bec, et la fille qui donnait à manger aux bêtes, le renvoyait du pied. »

Katryn: « Et tu l’as frappé ? »

Jared: « Oui ! Je l’ai frappé avant qu’il me frappe. Il voulait aussi me frapper…On frappe les vilains petits canards parce qu’ils semblent être différents, mais ils sont comme tous les autres. Il faut te battre dans la vie. Bats-toi !! »

Katryn: « C’est ta maman qui t’as dis ça, Jared ; qu’il faut te battre ? »

Jared: « … »

Katryn: « Jared ? »

Jared:« - Oh ! Dieu merci, soupira le caneton, je suis si laid que même le chien ne veut pas me mordre !!! »

Katryn: « Jared ? C’est ta maman qui t’a dis de te battre ? »

Jared: « Maman…Maman m’a lu ce livre plus de 20 fois, je le connais par cœur !! »

Il refusait de coopérer. Parler de sa mère, de ses parents était un obstacle. Katryn ne voulait pas encore percer cet abcès. Jared venait de vivre des émotions fortes et c’était la première fois qu’il avait posé ce geste…

Quand ce n’est plus une première fois...Que ces actes de violence deviennent quotidiens ; ce n’est plus une excuse. Il n’y avait plus que les enfants qui le craignait ; les membres du personnel aussi. Il s’en prenait au adulte qui entrait dans sa chambre, aux enfants se moquaient de lui ; quiconque qui s’approchait trop près sans son accord ; il intervenait avec violence en balançant tout ce qui lui tombait sur la main ; des crayons à l’encre jusqu’à des ciseaux. Il grandissait et la noirceur l’entourait de plus en plus. À 12 ans, on devait le confronter :

Katryn: « Jared, j’aimerais te parler de ton comportement. Tu sais ce que tu fais ? »

Jared: « Je frappe avant qu’on me frappe. Il faut te battre, Jared. Sinon, les canards vont te piquer avec leur bec… »

Katryn:« Personne ne te veux du mal ici, Jared. On fait tout pour que tu sois heureux… »

Jared:« Ils sont encore là…Ils me guettent. Je suis encore là. »

Katryn:« Tu me parlent de qui, Jared ? »

Jared:« Les canards…Ils vont me piquer avec leur bec.Ce sont des grands canards…Ils m’ont déjà piquer avec leur bec. Leur long bec dur… »

Katryn tentait de déchiffrer ses dires. Jared faisait des allusions de ce qui s’est passé, il y a 7ans :

Katryn:« Jared, tu es en sécurité ici, avec nous... »

Jared:« NON !! Je sens dans mon ventre, les trous qu’ils m’ont faits…Ils me font mal !...Et il demeura immobile pendant la grêle de plomb dans les joncs et la pétarade des coups de feu. »

Je voyais Katryn qui avait une certaine frayeur dans son regard. Andersen était au sol et Jared s’est levé de sa chaise :

Katryn:« Jared, tu dois m’écouter… »

Jared:« Non, il ne faut pas écouter les gens qui te veulent du mal… La tempête faisait tellement rage autour du caneton qu'il dut s'asseoir sur sa queue pour y résister ; et cela devenait de pis en pis ; mais il s'aperçut que la porte avait perdu un de ses gonds, en sorte qu'elle était accrochée de guingois, et que par la fente il pouvait se faufiler dans la cabane c’est ce qu'il fit. »

Katryn:« Je ne veux pas te faire de mal, Jared. »

Jared:« Oui, vous voulez m’amener ailleurs qu’ici parce que je suis méchant. »

Katryn:« Jared, tu dois apprendre à maintenir ta colère. Ce n’est pas vrai tout ça… »

Jared:« Ma mère m’a dit que je ne dois pas écouter les gens qui me veulent du mal. »

Katryn:« C’est faux, Jared… »

La tempête éclata. Je vis le visage de Jared se transformer. Une terrible colère se propagea dans tous ces membres. Katryn venait de commettre une erreur d’affirmer ce genre de conclusion devant cet enfant.

Jared:« Ma mère n’est pas une menteuse !!! »

D’un bond, la main du jeune saisit le crayon métallique de la psychologue et lui lança dans sa direction. Une flèche ! Une véritable flèche vola dans les airs frappant de plein fouet l’épaule de la femme. Elle avait un crayon planté dans sa chair et le sang commençait déjà à couler. J’appelai aussitôt les premiers secours et des intervenants pour maîtriser Jared. J’ignore ce qui c’est passé, mais j’ai bien vu ce crayon planer longuement jusqu’à Katryn comme si on le contrôlait…

Je ne pu le garder. Il était devenu celui que je ne voulais pas qu’il soit ; un monstre. Sa violence et son comportement effrayaient tout le pensionnat. Jared avait raison ; je l’ai transféré ailleurs. Dans un établissement correctionnel pour jeunes. Les ordres, les punitions, les tâches ; il a dû se corriger. J’ai entendu dire que sa passion pour les livres le mena jusqu’au étude en restauration de document ancien. Il serait dans une des grandes bibliothèques à faire différentes recherches sur les plus grands auteurs du monde.

Il a maintenant 23 ans. Je suis curieuse de savoir si son visage s’est transformé. Honnêtement, on ne peut changer personne. Un vilain canard reste un vilain canard…

Fiche terminé.